  e
site de Bressieux est connu depuis 1025, et il semble que le premier château
ait été construit à environ 800 mètres au sud-ouest du château actuel. A la
plate forme naturelle ovale de Boule Billon, le seigneur Bornon fait
rapporter un tertre de terre qui va alors former une demi sphère. Au sommet, on
construit un château en bois, vraisemblablement une tour quadrangulaire à
étages. Ceinturée d'une palissade, elle est entourée d'un fossé en forme d'anneau. Dans la
basse-cour, on peut trouver les
habitations du personnel domestique, les étables, écuries et autres bâtiments
agricoles, peut-être une chapelle, voire une nécropole.

partir du XIIe siècle, les installations militaires sont
réorganisées vers un emplacement stratégiquement plus intéressant, la motte
Bressieux, qui domine la vallée à 523 mètres d'altitude contre seulement 451 pour la
motte Billon. A cette époque, le château relève
de l'archevêque de Vienne, comme l'indique une bulle du pape Pascal II le 2
août 1207, faisant référence au castrum bressiacum.
  ans
un premier temps (fin du XIe siècle, début du XIIe), le
seigneur Aymard Ier fait travailler la
motte naturelle pour aménager un fossé circulaire, au centre
duquel on érige un château en bois. Ce premier château est détruit à la fin du
XIIe siècle, apparemment brûlé. Il est alors recouvert d'une
couche de remblai sur laquelle Aymard III construit un deuxième château, cette fois en maçonnerie
de galets roulés, appareil classique des vallées glaciaires. Dans la seconde moitié du
XIIIe siècle sous les ordres d'Aymard VI, le château de galets est partiellement rasé, puis de
nouveau remblayé afin d'ériger une nouvelle construction, cette fois en
briques. Le donjon est construit entre 1276 et 1277. Probablement à la même époque,
les fossés sont encore approfondis et élargis pour
renforcer les défenses de l'ensemble. A certains endroits, le premier fossé
atteint une largeur de 30 mètres pour une profondeur de 12 mètres. La masse considérable de remblai ainsi prélevée
sert à rehausser le sol du château. Un mur d'enceinte complète le système
défensif et entoure le village. Huit tours rondes surplombent le mur et
protègent les ponts-levis qui enjambent le fossé au niveau des quatre portes.
Deux glacis entourés de murs permettent une grande visibilité sur d'éventuels
assaillants. Le premier mur descend sur la basse-cour, le second mur sert de limite
extérieure au bourg. Le château occupe ainsi un polygone irrégulier de quatorze côtés, protégé par deux tours portières qui gardent
les installations de l'accès principal, le tout surmonté du donjon, lequel
domine de plus le plateau vers l'est.

l'intérieur des remparts, la vie s'organise autour de trois corps de logis. Au
nord, un logis seigneurial de grande taille s'abrite sous la courtine. Sa construction
remonte à la fin du XIIIe siècle, puis son intérieur est
réorganisé. Bien qu'il ne reste que la délimitation de ses murs, les
chercheurs ont identifié son usage. La grande salle typiquement médiévale
occupe une partie du rez-de-chaussée, à côté de pièces fonctionnelles (cave
ou cellier). A l'étage, le seigneur se réserve une large salle d'audience et
de représentation, exposée au sud et dotée de fenêtres de belle taille. Du côté du
rempart, une lucarne percée dans la courtine atteste encore de la hauteur du
logis.
 n
poursuivant le tour, le logis de la courtine est a gardé la plus grande partie de ses
murs en élévation. Des fouilles ont pourtant découvert des fondations en
galets roulés, datant vraisemblablement du deuxième château du XIIe,
XIIIe siècles. Il est reconstruit en briques au XVe
siècle. Une tour en fer à cheval, la tour de la visite, abrite un escalier
extérieur au logis qui dessert les étages et la galerie couverte qui court sur
le logis est et la courtine sud. On trouve encore les traces des piliers
alignés, signe clair de son existence, ainsi que l'emplacement de deux grandes
cheminées. A l'étage, un conduit d'évacuation extérieur à la courtine
permet de situer les latrines. D'après les objets retrouvés dans le puisard
(terme du XVIe siècle, légèrement anachronique) de l'angle sud-est
de la galerie, il a peut-être tari et est utilisé comme dépotoir ménager à
partir du XVIIe siècle.
 emontons
par le sud, nous trouvons le puits du château, appuyé sur le mur du logis
ouest. Sa structure suit les évolutions des matériaux et la vie du site. Vers
la fin du XIe, début du XIIe siècle, c'est un simple
cylindre taillé à même le sol. Lors de la première phase de remblaiement de
la fin du XIIe siècle, on ajoute un cône en pierre de tuf. Un
siècle plus tard, la seconde phase de remblaiement permet de le rehausser d'un
cylindre de galets roulés. Bien que les chercheurs l'aient curé sur vingt-six
mètres de haut, ils estiment sa profondeur réelle à plus de soixante mètres.
Il est désormais fermé par une plaque métallique.
 u
sud du puits, une tour carrée en galets roulés s'encastre en partie dans
l'angle sud-ouest de la courtine. A l'étage, des restes de carreaux bleus
émaillés à décor témoignent de la richesse des revêtements (murs ou sols),
attribués probablement au décor résidentiel "de l'appartement du
légat". La tour se prolonge vers le nord par le logis ouest. Deux pièces
au moins sur les trois de ce bâtiment ont une vocation domestique : un four à
pain est creusé dans l'épaisseur de la tour carrée, puis une grande cheminée
dans le mur de séparation intérieur, enfin un évier en demi-cercle percé
directement dans la courtine, près de l'entrée principale.
 es
tours portières
surplombent l'accès au château. Elles datent de la fin du XIIIe
siècle, comme la courtine nord et le donjon (voir le plan du château pour les
périodes de construction). Elles reposent sur un réseau de six arcades
profondément enterrées, utilisées comme arcs de décharge pour soulager le
mur. C'est actuellement la partie la mieux conservée du château.
 es
tours ont la forme d'un fer à cheval. Au centre, la porte en arc brisé est
protégée par deux archères de tir, signe incontestable d'une intention de
défense active du site. Elle est surmontée d'un mur plein où la herse vient
se loger. Surmontée de créneaux, la construction primitive du XIIIe
siècle ne dépasse pourtant pas 14 mètres de hauteur. On distingue encore
clairement la marque des créneaux (voir photo de gauche). Une première étape
de rehaussement permet également de la doter de hourds en bois, dont on peut
apercevoir les emplacements. Plus tard, l'ensemble est encore surélevé, puis
équipé de mâchicoulis. Le perçage des fenêtres à meneaux sous la frise à
décor d'engrenage date du XVe siècle et marque une première étape
vers l'abandon du statut de site militaire.
 u
côté de la courtine nord, une ouverture latérale facilite le déplacement des
défenseurs entre les tours et le donjon. Vues de la cour, les tours possèdent
une ouverture à chacun des trois niveaux. Celle du haut facilite
l'approvisionnement rapide de tous les étages en munitions à partir de la
cour, sans encombrer les escaliers. La trouée de grandes dimensions du premier
étage s'appelle une ouverture à la gorge. Son intérêt principal
réside dans le fait qu'elle n'offre aucune protection face à des tirs venant
de la cour. C'est ce qui permet aux défenseurs de menacer directement des
assaillants qui auraient pris pied dans la tour à partir de la courtine.
 es
tours ne sont pourtant pas la seule protection
de la porte d'entrée, généralement considérée comme le point le plus faible
du château. Le chemin d'accès a bénéficié à l'époque d'un système
complet d'ouvrages de défense. Cette zone a été fouillée en profondeur en
1992, mais on ne voit plus rien de son implantation aujourd'hui. En partant de
la basse-cour, les visiteurs arrivent d'abord devant une barbacane. Cet ouvrage
maçonné flanqué d'une tour de guet permet aux gardiens d'opérer un premier
filtrage des entrées. Vient ensuite sur plus de 25 mètres une succession
d'éléments montant vers la porte principale.
 'obstacle
suivant est un pont, probablement mobile, du genre pont-levis. Situé au dessus
d'un petit fossé, il permet de rejoindre un grand pont dormant. Passant au
dessus d'un fossé profond, ses deux arches soutenues par des piles de pierre
sont occultées latéralement pour bloquer le passage des agresseurs dans le
fossé à ce niveau. Pour finir, un second pont-levis à bascule, assorti de sa
herse, complète le système défensif. Dans la maçonnerie des tours, on peut
encore voir les points d'ancrage de l'axe des bras supérieurs du pont-levis.
Une fosse maçonnée en galets roulés préserve l'espace nécessaire à la
machinerie des contrepoids du
pont.
  ymbole
même de la puissance du château, le donjon y ajoute deux autres fonctions
essentielles : organe de défense et habitat seigneurial. A Bressieux, il perd sa situation
habituellement centrale pour
occuper une position stratégique privilégiée à l'angle nord-est des
fortifications. Placé
sur un point faible, il renforce la défense des deux courtines du nord et et de
l'est qu'il
domine de sa masse imposante.
 a
construction a été menée entre 1276 et 1277 en une seule phase, contrairement
aux tours portières. Il se compose d'une simple tour circulaire de 23 mètres
entièrement en briques, à laquelle il manque l'étage crénelé. On y accède
par trois volées d'escaliers prises dans l'épaisseur de la fortification. En
partant du pied de la tour, on découvre une première salle enterrée (dite
"basse fosse"), puis aux deux étages suivants une salle
établie sur un plancher, surmontée d'une coupole en
briques qui soutient la terrasse supérieure. L'éclairage du donjon est
restreint et se fait par trois ouvertures à fente
tournées vers l'entrée du château, et deux fenêtres
à meneaux du XVIe siècle remplacent les anciennes ouvertures à fente aux deux
premiers étages du côté nord. Vers la cour, il n'y a plus que deux ouvertures.
L'accès primitif au donjon s'effectue
au XIIIe siècle par une porte étroite, accessible uniquement du chemin de
ronde. D'un accès peu pratique, cette ouverture en briques à arc brisé
renforce la protection passive du donjon. Avec l'évolution du château, on
perce par la suite une porte à l'étage inférieur pour faciliter la circulation des
logis vers le donjon.
 outefois,
le donjon n'est pas conçu pour servir d'habitat régulier au seigneur.
L'épaisseur des murs atteint deux mètres et réduit considérablement l'espace
intérieur disponible. Il semble donc qu'on ne le voue qu'à une fonction
défensive en période de troubles. Les fenêtres des escaliers présentent
pourtant des embrasures à degrés. Ces ouvertures sont prévues pour arrêter
les projectiles mais leur configuration ne permet en aucun cas l'utilisation
d'une arme de jet (arc ou arbalète). Leur étroitesse est telle qu'on arrive à
peine à voir ce qui se passe dans la cour. Les experts locaux n'attribuent au
site de Bressieux qu'un rôle militaire essentiellement passif. On peut légitimement se demander
quelle est la pertinence d'un donjon dont les ouvertures ne peuvent pas servir
à le défendre, à moins d'être persuadé de son invincibilité. Sous cet
aspect, le château de Bressieux a du représenter une puissance plus que
suffisante pour qu'on ne vienne pas s'y frotter de trop près...
 utour
du site, le musée communal accueille une exposition permanente qui regroupe le
mobilier archéologique découvert lors des fouilles (dont quelques superbes
pièces d'échecs du XIIIe siècle) ainsi qu'une maquette des
fortifications. Dommage que la barbacane n'y soit pas représentée. Le musée
est généralement ouvert l'après-midi, du mercredi au dimanche, de mai à
octobre. Il héberge aussi de façon temporaire des expositions. Mr Raymond
Moyroud et l'association des "Amis de Bressieux" se feront un plaisir de
vous y accueillir ou de vous faire visiter le site (sur rendez-vous).
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