 e
jeune garçon choisi pour devenir chevalier s'entraîne dès
sa plus tendre enfance à l'art de la chevalerie. Le futur chevalier passe
ainsi ses premières années avec sa nourrice et les autres femmes du
château. On lui enseigne déjà les bonnes manières.
 a
première étape de son apprentissage militaire se situe entre sept
et dix ans, où le jeune garçon remplit les fonctions de page auprès
d'un noble, dans une famille proche ou chez le seigneur. Il y reçoit
la même éducation que les enfants de la famille. Le chapelain (clerc
attaché à la chapelle seigneuriale) lui enseigne à parler
le latin (souvent), à lire (parfois), à écrire (plus rarement),
à chanter (toujours). Il arrive que le page apprenne aussi à jouer
d'un instrument de musique. Ainsi, on le forme aux règles de l'honneur
et de la courtoisie, notamment vis-à-vis de la gente féminine.
Il est aussi chargé de faire les courses et d'assister la dame du château
dans ses occupations domestiques.
 'un des jours importants de cette enfance est celui où on lui offre
son premier poney. En futur homme de guerre, il doit savoir s'occuper des chevaux
et les monter en expert. Il commence aussi l'initiation au maniement des armes,
notamment de l'épée et de l'arc, et apprend à tenir une
lance en courant à la quintaine. La quintaine est une barre transversale
pivotante fixée à un poteau, l'une des extrémités
porte un bouclier qui sert de cible, l'autre un lourd sac pendant. Le cavalier
doit lancer son cheval au grand galop, heurter le bouclier de sa lance, ce qui
fait tourner la barre transversale. Il faut alors plonger pour éviter
la trajectoire du sac. Le malheureux débutant a toutes les chances d'être
jeté à bas de sa selle, mais cela fait partie de l'entraînement.
 e page étudie également la vénerie ou l'art de la chasse.
Il doit distinguer les foulées (empreintes) et les fumets (excréments)
des animaux de la forêt afin de pouvoir les suivre jusque dans leur repaire.
Pour pouvoir se guider avec sûreté dans une forêt dense,
il doit savoir laisser une piste et la retrouver. Le page apprend à bien
connaître les chiens s'il veut pouvoir les utiliser au mieux selon ses
besoins. Le seigneur admire ses chiens pour leur loyauté et leur courage.
Il en possède généralement plusieurs variétés
: chiens de garde, chiens de berger et toutes sortes de chiens de chasse, de
guerre ou domestiques. Il emploie souvent un garde-chiens qui s'occupe de sa
meute avec un soin extrême. Les faucons font aussi partie de l'éducation
du page. Ces oiseaux de proie peuvent apprendre à chasser pour leur maître.
Les fauconniers entraînent leurs oiseaux de chasse à l'aide d'un
leurre (un oiseau empaillé qui contient un morceau de viande) que l'on
fait tournoyer au bout d'une corde. Sauf en période de chasse, ces féroces
volatiles sont recouverts d'un chaperon et on leur attache des clochettes aux
pattes qui permettent d'entendre chacun de leurs mouvements. Le page consacre
une bonne partie de son temps à la chasse ou au service du chasseur.
Tout ce qui court ou vole réveille les instincts de chasse et suscite
l'enthousiasme certain des membres de la chevalerie.
 ntre
douze et quatorze ans, le page peut devenir écuyer. Il acquiert alors
le droit d'arborer des éperons d'argent, emblème de son nouveau
statut. L'écuyer a également le droit de porter un bouclier armorié
ainsi qu'un heaume, comme le chevalier. A ce stade de son apprentissage, il
supplée un chevalier qui poursuit sa formation et le traite un peu comme
un compagnon, plus généralement comme son serviteur. L'occupation
principale de l'écuyer est de nettoyer son armure et celle de son maître.
Il aide encore celui-ci à se vêtir et à se dévêtir,
lui prépare son lit et s'occupe de sa garde-robe. Le soir, il lui apporte
un verre de vin épicé et peut dormir devant sa chambre pour le
protéger en cas d'attaque. En tant que futur chevalier, il apprend à
sauter en selle sans toucher les étriers et à guider sa monture
en lui pressant les flancs des genoux et des talons. Il se muscle à la
lutte, à la course, au saut. Il s'entraîne à brandir de
lourdes armes jusqu'à ce qu'il puisse combattre longtemps sans s'épuiser.
Enfin, le page a désormais le droit de suivre le chevalier à la
bataille. A l'ouverture des tournois, l'écuyer précède
son chevalier, son heaume à la main gauche, sa lance courtoise à
la main droite. En cas de victoire du chevalier, l'écuyer a la garde
des prisonniers jusqu'au versement de leur rançon. Dans les tous premiers
moments d'une bataille, il chevauche à côté de son chevalier
et porte son bouclier et ses gantelets. Durant la bataille, il appartient à
l'écuyer d'assister son maître en difficulté. Au cas où
celui-ci vient à être désarçonné, l'écuyer
lui cherche une autre monture ou lui donne la sienne. Quand le chevalier est
blessé, il l'aide à s'éloigner du champ de bataille et
à bander ses blessures. On cautérise les blessures qui saignent
abondamment à l'aide d'une épée ou d'une dague passée
au feu. Cela arrête le saignement et hâte la guérison en
favorisant la cicatrisation. Si le chevalier vient à être tué,
son écuyer lui assure un enterrement décent et veille à
ce que le seigneur féodal de son maître soit informé.
 utur
membre de la noblesse, l'écuyer se doit d'être versé dans
les arts du comportement courtois : il sait divertir les invités de son
maître, jouer aux fléchettes ou aux échecs, entre autres
jeux. S'il veut briller en société, il doit danser, chanter et
jouer de la musique avec talent. Il peut ainsi espérer attirer l'attention
des dames et damoiselles.

partir de dix-sept ans, l'écuyer peut briguer le titre de chevalier,
mais on attend en général ses vingt et un ans, l'âge de
raison ou âge d'homme. Il ne peut néanmoins accéder à
cet honneur que s'il possède terres ou argent en quantité suffisante
pour lui permettre de se consacrer pleinement aux devoirs d'un chevalier. Cela
signifie que de nombreux écuyers ne sont jamais devenus des chevaliers.
 u
début du Moyen Age, devenir chevalier n'est qu'une simple formalité.
Ainsi, jusqu'à la fin du Xe siècle, l'adoubement est une cérémonie
très simple, qui coïncide généralement avec une fête
religieuse. A partir du XIe siècle, l'Eglise transforme cette cérémonie
d'initiation en un engagement d'honneur, obligeant le plus fort à mettre
ses armes au service du plus faible. Au XIIe siècle, l'adoubement devient
une cérémonie fastueuse très populaire. Sacralisé
par l'Eglise, il équivaut à un second baptême.
 a veille de l'adoubement, on coupe les cheveux de l'écuyer pour lui
rappeler qu'il doit rester humble. A cette époque, la chevelure est souvent
considérée comme la plus belle parure. Il se baigne sous le regard
d'un homme d'Eglise, indiquant ainsi qu'il se lave de ses péchés
et qu'il se prépare à commencer une nouvelle vie. Puis il enfile
des chaussures noires et s'allonge sur son lit. Le noir, couleur symbolique
de la mort, doit lui rappeler qu'il mourra un jour. Le lit, qui offre confort
et repos, est le symbole du paradis qu'il atteindra s'il respecte les idéaux
de la chevalerie. Bien qu'il n'existe pas de code écrit de ces lois,
on peut dresser un résumé assez précis des principes des
chevaliers : suivre l'enseignement de Dieu, défendre l'Eglise, protéger
le faible et le démuni, se battre pour sa terre natale, ne jamais reculer
devant l'ennemi, mener une guerre incessante aux non-chrétiens, toujours
obéir à son seigneur, soutenir le bien contre le mal.
 'écuyer a droit à un repas frugal, mais c'est la dernière
nourriture qu'il prend avant plusieurs heures. Il se confesse et passe le reste
de la nuit en prière dans la chapelle du château. Cette partie
de la cérémonie est appelée la veillée d'armes.
Elle permet un dernier temps de réflexion. L'engagement qu'il s'apprête
à prendre va diriger le reste de sa vie et ce serment est inviolable,
sous peine de déchéance sociale irréversible, d'excommunication,
voire d'exécution sommaire.
 e grand moment arrive enfin. Selon les époques et les lieux, c'est un
prêtre qui officie, ou le seigneur s'il en a réclamé l'honneur.
Les écuyers sortent en rang et se dirigent vers les pelouses situées
devant le château, où une énorme foule s'est déjà
rassemblée, impatiente d'assister à l'apogée de la cérémonie.
Chaque écuyer s'avance à son tour pour se faire ceindre son épée
et agrafer ses éperons dorés. L'officiant s'approche de lui et
le frappe d'une claque sur le cou ou d'un léger coup sur l'épaule,
de la main ou à l'aide d'une épée. L'écuyer est
maintenant chevalier, il vient de recevoir l'accolade. On dit aussi que c'est
le dernier coup qu'il aura reçu sans le rendre. Pendant toute l'année
suivante, le nouveau chevalier porte une armure d'une seule couleur et il n'a
droit à aucun signe distinctif. De plus, il est rare qu'un chevalier
récemment adoubé possède ses propres terres. Il dépend
directement de son père ou de son seigneur pour sa subsistance, dans
l'attente de son héritage ou d'un mariage qui lui rapportera peut-être
un château. Il prend alors le nom de paladin, le chevalier errant. Il
lui faut se faire un nom s'il veut épouser une riche héritière
et recevoir des cadeaux de son seigneur ou du roi. Ainsi, sous la conduite d'un
chevalier expérimenté, avec quelques compagnons chevaliers comme
lui, il quitte le château seigneurial et erre de longues années
à la recherche d'aventures, d'exploits, de tournois, de gloire, de richesses
et de femmes. De plus, s'il réussit à chasser un seigneur ennemi,
il peut devenir propriétaire des terres désormais abandonnées,
et de là, commencer à construire son domaine. Bien sûr,
de nombreux écuyers sont armés chevaliers dans des circonstances
beaucoup moins romantiques, souvent sur le champ de bataille, au milieu de leurs
camarades morts et agonisants. Bien que les écuyers soient habituellement
adoubés par des personnes étrangères à leur famille,
il arrive parfois que les pères arment leurs fils. Peu importe celui
qui confère cet honneur, ni même l'endroit, la cérémonie
est la plus grande distinction qu'un homme médiéval puisse recevoir.
 our
clôturer la cérémonie, c'est la fête. Festins et tournois
se succèdent, parfois pendant plusieurs jours. Tout le monde s'attable
pour le banquet tandis que les musiciens, jongleurs et acrobates s'affairent.
La journée se poursuit dans la liesse, ponctuée de joutes et de
passes d'armes.
|